La
Fédération Sénégalaise de Basket-ball a pourtant décidé
d’utiliser son expérience et son professionnalisme en le
nommant manager général de l’équipe nationale masculine. La
toute nouvelle mission d’Amadou est de mener les Lions du
Sénégal vers la conquête du titre africain.
Entretien avec celui qui fera
peut-être du Sénégal, la nation future championne d’Afrique
2007.
BASKET
AFRICAIN EN GENERAL
Quel
est, selon toi, le véritable problème du basket africain ?
Le plus
grand obstacle est incontestablement le manque
d’infrastructures. Le basket est l’un des sports des plus
difficilement praticable et accessible sur le plan
infrastructure. Il requiert des équipements particuliers. A
l’inverse du foot pour lequel on peut monter un terrain
n’importe où, n’importe quand et avec n’importe quoi.
Humainement, il n’y a pratiquement pas de contact avec ce
qui se fait de mieux aujourd’hui en matière d’entraînements
par exemple. Il y a un nombre important de jeunes qui ont le
potentiel mais les moyens ne sont pas là. Mais les jeunes
apprennent très vite, le jeu devient de plus en plus
populaire. Il y a un nouvel engouement pour ce sport.
Quels
sont les efforts faits pour justement maintenir cet
engouement en vie ?
L’Afrique
a pris le train en marche. L’arrivée de plus en plus
d’africains en NBA et leurs parcours positif a été un des
éléments déclencheurs. Ceci donne au basket africain une
autre dimension. Des politiques de développement du sport en
général sont mises en place. L’état commence à se soucier de
tous ses problèmes. Au Sénégal, beaucoup d’efforts sont
faits : des stades sont construits ou rénovés, beaucoup de
club s’ouvre à la formation. Mais tout ceci reste axé sur
Dakar. Au-delà de la capitale, il n’y a finalement pas grand
chose.
Où
peut-on classer le niveau du basket en Afrique ? De plus en
plus d’africains intègrent la NBA, en Europe, on ne les
compte plus…
Difficile
de parler de niveau en afrique. Je ne pense pas que l’on
puisse comparer le niveau du basket africain général.
L’Afrique est faite des très bonnes individualités qui ont
émergent tous les jours. Mais il n’y pas de système de
formation en Afrique. Un joueur qui veut progresser est
obligé de s’exiler en Europe ou dans les universités
américaines. Les choses évoluent mais l’Afrique reste un
chantier sur lequel il reste encore beaucoup à faire. Il
faut éviter de mettre la charrue avant les bœufs. L’équipe
du Sénégal est un parfait exemple : des individualités qui
évoluent dans les différents grands championnats. Babou
Cissé, Maleye Ndoye en France, Boniface Ndong, Desagana
Diop, Mohamed Saër Sène en NBA. Maintenant on peut toujours
construire nos équipes sur cette base mais derrière il faut
vraiment en profiter pour développer les infrastructures. Et
je ne parle pas seulement d’infrastructures physiques. Oui
il faut des terrains, des ballons de basket, il faut des
chaussures mais ce qu’il faut surtout c’est de la matière
grise. Ce que je dis n’est pas péjoratif, je reconnais le
travail fait jusqu’à présent. Mais si on se souvient de
Bengaly Kaba, Abdou N’Diaye, Joseph « Toto » Lopez, Apollo
Faye, Mariama Bâ… la liste est encore longue. Tous ces
joueur(se)s ont réussi parce qu’ils étaient formés et
travaillaient avec d’excellents entraîneurs tels que Mamadou
Sow ou Aliou Diop. Aujourd’hui, il n’y a pas assez de
formateurs formés. C’est une des raisons qui m’a poussé à
mettre en place l’académie de Thiès. Au delà de notre
vocation de former une génération de basketteurs, nous
faisons office de centre d’échanges où des entraîneurs
débutants apprennent des meilleurs. Je voulais aider des
aspirants au pays qui n’ont pas réussi à s’illustrer en tant
que joueur et leur offrir la possibilité de rester en
contact avec ce sport.
Les
deux équipes nationales féminines et masculines sénégalaises
ont joué les Championnats du Monde 2006. Penses-tu que le
basket sera considéré, un jour, au même titre que le foot
comme vitrine du sport sénégalais ?
Je suis un
amoureux du foot comme beaucoup de personnes. Au Sénégal,
chacun est footballeur dans l’âme, Je pense qu’il est donc
normal que ce soit le sport roi. Mais je pense aussi qu’il
faille respecter toutes les personnes qui ont réussi à bâtir
autour du basket et qui ont réussi à établir son label. Que
ce soit chez les filles et les hommes, il y a toujours eu du
résultat dans les compétitions internationales. Il faut que
les jeunes sachent qu’il y a eu toute une génération de
« grands » qui ont fait beaucoup pour ce pays. Le basket
sénégalais a un passé e aura un futur je l’espère. Mais tout
ce qu’il devrait y avoir autour des équipes n’est pas mis en
place et c’est bien dommage.
SEED ACADEMY
Tu es
le fondateur de la SEED Academy, centre de formation basé à
Thiès, Sénégal. D’où t’es venu l’idée de créer cette école?
Mon
arrivée en Amérique m’a immédiatement conforté dans mon ce
que j’ai toujours pensé : l’importance de l’éducation par le
sport. Aux Etats-Unis, cette forme d’éducation est d’abord
mise en place dans les High School. Ces lycées sont de
véritables pépinières. Le principe de l’Académie est basé
sur ce modèle américain. En Afrique, la plupart des gens
pensent que l’éducation est un frein à la réussite sportive
d’un athlète. Je voulais prouver que l’exode prématuré
n’était pas le seul moyen d’aller au bout de son rêve. La
tournure qu’a prise ma carrière a également été à l’origine
de la SEED. Vous savez, en sport, rien n’est jamais sûr. Une
blessure peut être bénigne comme très grave. Dans le
deuxième cas, un sportif peut dire au revoir à sa carrière.
A la SEED, nous expliquons aux jeunes qu’ils peuvent
prétendre à un bel avenir dans une autre branche du basket
que le jeu mais pour en arriver là, il faut impérativement
passer par l’enseignement et l’obtention de diplômes.
Et puis il faut tout simplement assurer ses arrières.
Tu as
donc décidé d’investir par tes propres moyens afin d’aider
les jeunes sénégalais sportivement mais aussi au niveau
éducation. Comment as-tu mis en place ton projet ?
Dans mon
école de Business à Georgetown, nous avions un programme qui
nous encourageait à mettre en place un projet humanitaire
dans nos pays d’origine. C’est ainsi qu’en 1997, j’ai
commencer à travailler sur un projet que j’ai appelé le « Student
for Eastern Education Development ». J’ai réfléchi à la
façon dont je pouvais mettre le sport au service du
développement économique et social du Sénégal. Aux
Etats-Unis, les jeunes issus du ghetto sont sortis de la
pauvreté par le sport. L’idée était donc de reprendre ce
modèle à l’échelle d’un pays en créant une autre image de
l’Afrique différente de l’aspect passif et attentif
véhiculé. En 2002, Tariq Abdul Wahad (NDLR : premier
français à intégrer la NBA) est venu à Dakar pour participer
à l’organisation d’un camp. Il est tout de suite tombé sous
le charme du pays et a été séduit par la façon dont les
jeunes s’appliquaient. Quand nous en avons plus longuement
parlé, je lui ai soulevé le problème de non suivi de ces
jeunes potentiels sénégalais. Je lui ai alors parlé de mon
envie de créer une structure comparable à l’INSEP en France
qui accueillerait les joueurs à long terme. Tariq s’est
alors engagé financièrement à mes côtés et la SEED Academy
est née.
Bon
alors, Tariq contribue à l’aventure financièrement et de sa
personne. Toi, tu es le directeur de l’académie. Mais qui
coache ?
Et bien là
encore, je pense avoir su bien m’entourer. Il nous fallait
un excellent coach et c’est en la personne de Bengaly Kaba
que je l’ai trouvé. Il s’est énormément investi et a
beaucoup apporté à la mise en marche de l’école. Il fallait
quelqu’un pour travailler avec les jeunes, quelqu’un
d’expérience et d’efficace. Bengaly était la personne idéale
pour ça. Il a vite été emballé par l’idée et faisait les
déplacements de Paris à Dakar spécialement pour ça.
Finalement, toute l’équipe était très motivée pour redonner
de l’espoir à tous ces jeunes. Nous avons périodiquement la
visite de coachs et de joueurs NBA et européens.
L’encadrement du point de vue éducation et basket est ce qui
se fait de mieux là-bas.
D’où
viennent les joueurs et comment intègrent-ils l’académie?
Les
joueurs viennent de partout et la demande est de plus en
plus forte. En général, ils viennent d’eux-mêmes parce
qu’ils ont entendu parler de l’académie. Et il y en a que
nous allons chercher dans les clubs ou sur les playgrounds
(c’est le cas pour Mohamed Saër Sène). Nous ne nous
concentrons pas sur l’élite. Il y a des tests d’admission,
s’ils les réussissent, ils intègrent l’académie. Tout le
monde a sa chance. Si certains jeunes sont en rupture avec
le milieu scolaire, le challenge que nous relevons avec eux
et des les remettre sur les rails. A eux aussi de nous
montrer qu’ils en veulent. Leur sérieux et leur
détermination font vraiment plaisir à voir : ils se lèvent
très tôt, travaillent en plein soleil et leur attitude est
très bonne.
Scolairement, quels sont les programmes suivis par les
élèves ?
Le cursus
scolaire est le même que celui enseigné en lycée. Et nous
ajoutons notre touche personnelle. L’académie n’est pas
seulement une usine à basketteur, c’est une école qui
forment des êtres humains capable de gérer l’après sport.
Nous leur inculquons des notions sur tout ce qui touche au
sport (kiné, spécialiste de vidéos...) et nous nous assurons
qu’ils sortent de là avec des bases académiques.
Une
journée type SEED, ça donne quoi ?
Ils se
lèvent à 6h45 pour le réveil musculaire et le
conditionnement. Ensuite à 8h, ils ont leurs cours jusqu'à
12h. Ils vont déjeuner et font 1h45 de techniques
individuelles et de jeu. A 15h, les cours reprennent jusque
18h. Le soir, ils finissent avec 2h d’entraînements. Les
journées sont très très longues et la charge de travail est
énorme...
Et au
niveau basket, mis à part les entraînements au sein de
l’académie, comment vous organisez-vous au niveau des
compétitions et des matchs ?
Une des
lacunes de l’académie est que nous n’avons pas de système de
championnat. A l’INSEP par exemple, les joueurs forment une
équipe qui est intégré au championnat national. A la SEED,
nous avons juste un grand tournoi que l’on organise au mois
de mai. Le tournoi est considéré comme la grande fête du
basket là-bas. Sinon nous avons une sorte de partenariat
avec l’US Rail, un club évoluant au plus haut niveau du
championnat sénégalais. La plupart des joueurs de l’académie
sont licenciés là-bas.
Quelles
sont les différentes voies de sorties offertes ? Les
opportunités sont-elles vraiment nombreuses mais surtout
intéressantes ? Après avoir aiguiller les joueurs vers
différents clubs européens ou autres, le travail s’arrête
pour vous ?
Certains
joueurs trouvent un club en Europe (Saër Sène) et d’autres
en High School (Mohamed Faye, Pape Dia). Aucun de nos
joueurs n’a encore intégré la NBA dès sa sortie de l’école.
Mais ce n’est pas le but.
Nous les
aidons à s’orienter grâce aux différents contacts que nous
avons et ils font leur choix en consultant leur famille.
Quoiqu’il en soit je garde toujours contact avec les
expatriés. C’est important pour eux de sentir qu’ils ont
quelqu’un derrière eux.
Et pour
ceux qui ont « échoué », que se passe-t-il ?
La
première année nous avons eu pas mal d’échecs car les jeunes
n’étaient pas prépares mais nous avons gardé le contact
avec certains d’entre eux. Par la suite, nous avons été
beaucoup plus strict dans le recrutement avec la mise en
place de tests d’entrée. Les échecs font partis de la
réussite.
Maintenant, nous avons un bon taux de succès. Mohamed Saër
Sène est un de nos modèles de réussite, c’est aussi celui de
la jeunesse africaine. C’est le premier élève issu de la
SEED à intégrer la NBA (NDLR : Drafté en 2006 en 10ème
position par Seattle). D’autres s’en sont pas mal sortis
également : Mustapha Ndoye (Belgique), Mohamed Faye
(Etats-Unis)... Mais mon objectif est d’être à 100%.
Ton
projet SEED Academy est-il achevé où est-ce que tu envisages
d’autres évolutions ?
Je suis
très fier de tout ce qui a été fait jusqu’à présent. Comme
je l’ai déjà dit, j’ai juste saisie les opportunités qui
m’étaient offertes et je m’en suis bien servies. J’ai voulu
montrer qu’il était possible de faire des choses en Afrique,
montrer à l’Etat qu’il peut investir dans un projet qui ne
tombera pas à l’eau. Beaucoup de projets privés se sont
montés par la suite, c’est ce qu’il faut.
Un germe
que l’on entretient grandit bien. Mon but maintenant est
d’élargir la SEED à d’autres pays africains ou autres et par
la suite développer un réseau d’écoles.
BASKET-BALL WITHOUT
BORDERS
Depuis
beaucoup de camps et de structures sont mis en place. Sans
doute par volonté de mieux former. Un des camps les plus
attendus en Afrique est d’ailleurs le Basket-ball Without
Borders organisé par la NBA. Peux-tu en rappeler le
concept ?
Le
Basket-ball Without Borders (BWB) est un camp de basket
organisé sur chaque continent et qui permettent à des
jeunes, qui n’en ont pas les moyens, de goûter au basket
mondial. En Europe, le premier BWB, en 2001, était organisé
par les grands joueurs européens de l’époque évoluant NBA
(Toni Kukoc, Vlade Divac, Peja
Stojacovic...) afin de rapprocher 50 jeunes venus de
pays touchés par la guerre (Serbie, Slovénie, Croatie…). Sur
le continent africain, l’origine du camp est le « Africa One
Hundred » organisé pour amener 100 jeunes à découvrir le
basket. L’évènement a pris une telle ampleur que la NBA a
décidé d’investir dans le projet et d’étendre le BWB aux
continents afin de promouvoir le basket partout dans le
monde. Le BWB Africa reste le plus attendu par tous :
joueurs, coachs et scouts. Les joueurs NBA et joueuses WNBA
se bousculent pour apporter leur participation. Dikembe
Mutombo est l’un des plus fidèles, il y participe à toutes
les éditions. Cette année Steve Nash devrait être parmi nous
à Johannesburg ainsi qu’une cinquantaine d’autres joueurs et
coachs NBA.
D’où
viennent les joueurs invités à participer au camp ?
Nous
réunissons les meilleurs joueurs de moins de 19 ans du
continent africain. D’ailleurs beaucoup de jeunes africains
qui évoluent en High School ont d’abord été repéré au
Basket-Ball Without Borders. J’espère que l’on continuera à
ouvrir d’autres chemins par toutes ces initiatives. Il faut
que tous ceux qui ont réussi dans leur vie se souviennent de
ce qu’ils étaient et profitent de leurs influences pour
ouvrir les portes du basket mondial à l’Afrique. Ça permet à
des plus jeunes volontaires et motivés d’emprunter les mêmes
chemins de réussite. Desagana Diop, sénégalais évoluant à
Dallas, a créé un camp cette année. Il est venu l’inaugurer
cet été en compagnie d’Avery Johnson, coach des Dallas
Mavericks, et de moi-même. Avery a participé aux
entraînements. Il a fait travailler les jeunes avec beaucoup
d’implication comme si c’était c’est propre joueur. Il les
encourager à accomplir des actions dans leur communauté. Il
a également apporté son aide aux formateurs en leur
prodiguant des conseils. Chacun avec ses moyens fait tout
pour améliorer le quotidien de ses pairs.
COUPE D'AFRIQUE DES
NATIONS 2007
Tu es le nouveau manager des Lions. On a tous
vu que vous avez commencé à travailler en recrutant Sam
Vincent comme nouveau coach de la sélection par exemple.
Quelles sont les autres actions qui ont été mises en place?
Nous
allons en Angola pour gagner cette Coupe d'Afrique et nous
allons mettre toutes les chances de notre côté. Une bonne
organisation est vraiment importante pour cela.
Au delà du recrutement de Sam Vincent, Moustapha Gaye a
rencontré les joueurs sénégalais qui évoluent en France afin
d'établir le contact et voir si ils sont motivés pour nous
suivre dans cette aventure. Nous avons notamment repéré
Antoine Mendy (ndlr: Antoine évolue à Reims en Pro A. Il a
notamment participé à l'édition 2006 du Quai54, ceux qui
étaient là se souviennent forcément de lui). Suite à cela,
nous allons établir un programme pour les joueurs avec comme
étape finale une préparation à Dallas.
Les tirages au sort de la prochaine CAN ont
mené le Sénégal dans une des poules les plus féroces avec
comme adversaire le Mali, la Côte d’Ivoire et l’Égypte. Aux
côtés de Sam Vincent, nouveau coach de l’équipe, les Lions
du Sénégal vont devoir remettre à zéro les compteurs et
jeter aux oubliettes les erreurs de la dernière prestation
aux Championnats du Monde. La page est tournée et les choses
se mettent déjà en place avec le nouveau staff
d’encadrement. Un tour d’Europe visant à rencontrer les
Sénégalais expatriés est en route, un stage de préparation
est prévu à Dallas même…bref, Amadou et sa team ont de très
bonnes cartes en main, Reste a savoir les jouer
correctement.
Retrouvez une interview intégrale d’Amadou
Fall dans Reverse#7
ainsi que sur
www.senebasket.com
Toutes les infos sur la Seed Academy,
ici ou sur le site
www.seed-academy.org
|