Daouda Faye Ministre des Sports
Avec quatre défaites en autant de sorties, et dans l’attente d’être bouffés aujourd’hui par les monstres américains, les Lions du basket ont fini de signer leur élimination du Mondial japonais. Les partenaires de Babou Cissé vont en effet quitter Sapporo la tête dans le panier. Du coup, les échos qui parviennent de la ville japonaise augurent des lendemains assez flous pour le basket sénégalais qui prépare pourtant une autre échéance plus importante, celle de la Can d’Angola en 2007.
Certains joueurs que nous avons joint, à Sapporo, ont décidé de faire des déballages après le Mondial. D’ailleurs, dans l’édition d’hier du quotidien sportif français L’Equipe, ils ont annoncé la couleur en décidant de prendre en main les destinées du «club Sénégal», à l’image du doyen Makhtar Ndiaye : «Il faut changer la mentalité des Fédéraux. Le monde ne se fait plus autour d’un bol de riz. Les choses ont changé, il faut être à l’écoute du basket international et établir une passerelle avec la Nba. On va taper sur la table et présenter aux autorités un vrai dossier avant décembre.» Dans la foulée de son vieux pote, le capitaine Babou Cissé a fustigé le manque d’organisation, premier adversaire des Lions : «Etre au Mondial c’est bien. Mais si on avait une bonne organisation, ce serait moins frustrant. On ne se contenterait pas de venir seulement pour participer.»
PLAN ANTI-«ADIDAS»
En attendant cette «révolution» annoncée, c’est le ministre des Sports qui en prend pour son compte. Daouda Faye est en effet désigné du doigt par les joueurs, pour avoir torpillé l’immense espoir qui était placé en cette équipe qui s’est subitement retrouvée sans pilote à bord à moins d’un mois du Mondial. Morceaux choisis de ce coup de gueule. « Le ministre a tout saboté en limogeant «Adidas» (Abdourahmane Ndiaye) à quelques semaines du début des championnats du monde. C’est lui qui a programmé l’échec. On sait que tout est parti de la rencontre qu’il a eue en France avec l’ancien Directeur technique national du basket français, Pierre Dao. D’ailleurs, un membre de la Fédération française de basket nous a révélé avoir appelé «Adidas» pour lui dire fait attention : ‘’ils (Pierre Dao et le ministre des Sports) sont en train d’organiser ton départ’’.»
A l’arrivée, les choses se sont avérées justes, car dès que le ministre est rentré à Dakar après avoir parrainé la signature du contrat de Kasperczak à Paris, il a annoncé en pleine installation du Bureau fédéral le limogeage de «Adidas», sans en informer le Premier ministre Macky Sall un des signataires du contrat, encore moins le président de la Fédération, Alioune Badara Diagne. Résultat du complot ourdi par «Vava» : les Lions vont perdre les trois joueurs de la Nba, désabusés : «Il ne faut pas qu’on se leurre, tout le monde sait que les absences de De Sagana Diop, Pape Sow et Boniface Ndong sont liées au limogeage de «Adidas». En fait, les blessures annoncées étaient surtout des blessures diplomatiques. Perdre «Adidas» et trois joueurs de la Nba, cela devenait du coup impossible de réaliser des performances.»
«LA NEBULEUSE FRANCE SPORT»
Autre grief contre «Vava», le choix de l’agence du nom de «France Sport» pour organiser le regroupement des Lions à Dijon (France). Détails croustillants, en attendant le grand déballage : «Tout a débuté à Paris, quand nous sommes descendus à l’aéroport. Car c’est là que nous avons commencé à douter de la crédibilité de «France Sport». Figurez-vous qu’on était dans un premier temps une dizaine de personnes. Le mini-bus, que nous a envoyé «France Sport», ne pouvait même pas contenir ce petit monde. Finalement Malèye Ndoye et Pape Ibrahima Faye «Pif», qui faisaient partie du groupe, ont regagné le lieu de regroupement par leurs propres moyens.»
Arrivés sur place, racontent nos interlocuteurs, le calvaire va commencer pour les hommes de Tapha Gaye : «Au vu des conditions indignes pour des professionnels trouvées sur place, avec un manque de ventilation, des chambres et toilettes étroites etc., nous avons essayé de faire des investigations pour voir réellement ce que cette agence coûtait à l’Etat sénégalais. Mais les responsables sur place ont tout verrouillé. Nous avons, en tout cas, évalué que même à 20 euros (13100 francs Cfa) par jour c’était trop, car c’était nul comme conditions. Et on sait que le ministère a payé plus. D’ailleurs, en guise d’anecdote, tous les joueurs parlaient de la «nébuleuse France Sport». Cette expression était dans toutes les lèvres, car on sentait qu’il y avait des non-dits. Et c’est tout à fait normal qu’on a essayé de mettre la pression sur les autorités, en demandant de rentrer sur Dakar car Dijon était devenu invivable. Ce n’est qu’après l’alternative Evreux est tombée.» Une autre voix dans la «tanière» : «On n’a pas compris pourquoi le ministère, qui ne devait s’occuper que de la préparation, n’a pas débloqué assez d’argent pour mettre la sélection dans de bonnes conditions. Car contrairement à la Can, pour le Mondial, c’est la Fiba qui prend en charge le transport et l’hébergement des délégations, avec un maximum de 18 personnes.»
OU EST PASSE LE TECHNICIEN ITALIEN ?
L’autre nébuleuse de la campagne, c’est l’affaire du technicien Italien Renato Pasculli, annoncé à grandes pompes et qui a disparu dans la nature : « Le ministre, pensant sûrement détenir un scoop et voulant se rattraper après le scandale du limogeage de «Adidas», s’est précipité à la Télévision pour annoncer, à la surprise générale, l’arrivée d’un technicien italien. Ce qui était pratiquement impossible car le technicien italien en personne, qui servait en Ukraine, à défaut d’être relancé par la partie sénégalaise, était reparti dans son pays pour coacher une équipe locale. C’est pourquoi vous n’avez pas vu son ombre au Japon.» Et «Vava» l’a curieusement «oublié».
Mais les «missiles» n’étaient pas seulement dirigés vers Daouda Faye. Le coach Tapha Gaye n’a pas aussi échappé aux critiques. Nos interlocuteurs lui reprochent son manque de punch et son inexpérience : «Au basket le 4e quart temps, c’est l’affaire du coach. Et comme vous le savez si on a été battu par la Chine (83-100) et l’Italie (56-64), c’est parce qu’on a complètement raté le dernier quart temps, après avoir dominé les 3 premiers. C’est du gâchis et cela repose le problème des entraîneurs locaux qui ont des difficultés à faire passer leurs consignes devant les professionnels. C’est une question de niveau et d’environnement.»
Avec un ministre désigné comme le principal responsable de l’échec japonais, des fédéraux égratignés, un coach local que les joueurs comptent récuser, et un Dtn qui est dans le viseur de la tutelle pour «insubordination», le basket sénégalais, en dépit d’un gain exceptionnel de 260 millions de francs tiré des sponsors par l’agent marketing «Vision 21», fonce tout droit vers le mur. Et le choc va à coup sûr être retentissant. Si on sait que les Lionnes, sans programme précis sur la dernière ligne droite qui mène au mondial Brésilien, ne sont pas, elles aussi, à l’abri d’une mauvaise surprise. D’un coup dont seul l’incorrigible «Vava» sait en fomenter.