Saint- Louis (le pont Faidherbe)
Hier, Saint-Louis a voulu faire la fête. Aujourd’hui, elle fait la tête. Pour une première finale de basket dans la vieille cité, le Stadium Joseph Gaye a presque dégueulé d’un monde passionné. Toute portion susceptible d’accueillir du monde, tout bout de terre ou de béton a trouvé occupants. Derrière la ligne de fond, à quelques centimètres du terrain. Assis, accroupis ou tout bonnement debout le temps d’une finale, l’armée de l’ombre avait assiégé une enceinte remplie au goulot. Avec l’espoir finalement brisé par une cynique «Vieille dame», d’assister à un feu d’artifice de ses chéries du Slbc (Saint-Louis basket club). Malgré les menaces de boycott qui ont émaillé l’avant-match suite au refus de la Fédération sénégalaise de basket-ball (Fsbb) de reprogrammer le match pour samedi, les Saint-louisiens ont déferlé pour porter littéralement leurs favorites sur le toit du basket national féminin. Sevrée des moments pareils depuis les années de gloire de l’équipe de football de la Linguère, la Vieille ville a croqué à pleines dents sur une denrée devenue rare. «On joue la finale parce qu’il y a une motivation sportive. Le club est revenu à de meilleurs sentiments parce qu’il y a une bonne partie de la population qui voulait jouer la finale, s’explique Pape Banda Ndiaye, vice-président de la ligue de Saint-Louis. En fait, depuis quelques années, les finales sont devenues une denrée rare à Saint-Louis. Cette finale, c’est comme une providence qui tombe. Malheureusement, on nous le donne un mercredi.» Dès lors, le ciel semble très lourd de reproches. De nuages non dissipés du conflit Slbc-Fsbb qui ont dissimulé les rayons de soleil, malgré la canicule qui sévit à Joseph Gaye. Stadium ouvert à un ciel que les supporters, en furie, semblent vouloir prendre à témoin. Pointées vers le haut, leurs pancartes ne militent point pour la bonne image de la fédé. Au gré de la contestation organisée, les échantillons sont d’une rare agressivité : «Le basket, ce n’est pas Dakar seulement», «Nulle Fsbb», «Fédération corrompue zéro», «Saint-Louis est contre la programmation». Une ribambelle de récriminations qui est venue corser davantage le contentieux entre la fédération et la ligue de Saint-Louis, donnant à la «fête» l’impression collante d’un public règlement de comptes. Seulement était-ce LA bonne stratégie ? La lourde atmosphère et le flou qui ont entouré cette finale aller n’ont-t-elle pas pesé sur les joueuses du Slbc ? A la Ligue de Saint-Louis, on répond forcément par la négative. Intérrogé sur l’éventuelle pression subie par les joueuses sur les nombreuses dates avancées et les menaces de boycot brandies par les dirigeants, Mansour Diagne, le président de la ligue, refuse tout lien : «C’était une bataille contre la fédération et il fallait aller jusqu’au bout. D’ailleurs, on avait demandé aux filles de se préparer pour la finale de mercredi. Maintenant si on est entré en regroupement tard (lundi), c’était pour leur éviter d’avoir la pression.» Au sein d’un Slbc sinistré, on s’est empressé de dégotter le coupable idéal dans cette après-midi inféconde, de faire porter la contre-performance des coéquipières de Néné Diamé sur le dos d’une Fsbb inconséquente. Le discours d’après-match est à une attaque en règle à l’encontre de l’équipe fédérale. Yatma Boye, membre du staff administratif du Slbc, pose la première banderille : «La fédération nous a sacrifiés. Elle ne veut pas que le basket se développe dans les régions.» Alioune Badara Cissé, le président du club, arme une deuxième flèche : «Si on a perdu, c’est parce qu’il y a un surmenage physique, car le calendrier est mal géré. C’est la principale cause de cette défaite.» Mansour Diagne remet le doigt là où ça saigne : «La raison de la défaite est simple, les filles sont fatiguées. Il leur fallait une semaine pour récupérer, mais la fédération n’a pas suivi.» Une perche tendue à Raoul Toupane, le coach saint-louisien, qui s’en réfère pour tenter de trouver un début d’explication à «la fébrilité de (ses) joueuses». Il édulcore à peine : «Si je parle de surmenage physique c’est comme si je cherchais à expliquer ma défaite.» Son doyen, Mbaye Guèye, icône du basket saint-louisien, a moins de scrupules. L’ex-sélectionneur des Lionnes trouve inadmissible de jouer 4 rencontres en 11 jours : «C’est impossible ! Durant le championnat, on se déplaçait tous les15 jours, (maintenant c’est 3 fois par semaine). On ne devrait pas en arriver là», déplore le formateur réputé. Avant de fustiger la politique de «deux poids, deux mesures» de la fédé : «On ne peut pas arrêter le championnat pour des coupes régionales (Dakar). Le championnat est une épreuve de régularité et de régularité. Les équipes des régions sont lésées.» Seulement, malgré la déception qui l’étreint, il ne garde pas un regard tout noir de l’après-midi : «Il faut saluer la décision de la fédération d’avoir décentralisé les finales. Saint-Louis n’en avait jamais abrité auparavant.» Hier, il était presque le seul Saint-louisien à concéder du positif à la Fsbb.