La guerre des sucreries
Le rideau est tombé sur le 20e Championnat d’Afrique de Basket Féminin, après la finale épique entre le Mali et le Sénégal. Félicitations aux maliennes et bravo aux lionnes. Nous aurions aimé gagner cette coupe et assurer surtout la participation aux jeux olympiques de Beijing en 2008 mais, heureusement que le temps est révolu où organiser un tournoi oblige certains à traficoter le règlement pour le gagner. Cependant, le match hyper important qui nous a été caché, par contre, est celui des dattes et des bonbons. Même à ce jeu, on était incompétent car tout le monde sait que les dattes, choisies par le Mali, résistent mieux à la canicule de Marius Ndiaye que les tangal menthe du Sénégal qui ont fondu à l’échauffement !!
Il faut qu’on arrête, définitivement, de convoquer des explications soi disant mystiques pour expliquer des contres performances logiques. Si le mysticisme payait, toutes les coupes du Monde seraient en Afrique et les vainqueurs de CAN seraient définis au tirage au sort. Parce que entre les dozos, le vaudou, les bois sacrés, le juju, les sables magiques et autres totems surnaturels qui font le bonheur des charlatans et …des budgets de fédéraux, on ne saurait non plus décerner la palme du plus efficace.
Le jubilé volé à Astou Ndiaye
Dawn Staley avait plus de trente cinq, l’année dernière à São Paulo, lorsqu’elle disputait son dernier championnat du monde de basket féminin avec l’équipe américaine, après une riche carrière professionnelle. Elle accompagnait une nouvelle génération de joueuses tout en préparant sa reconversion imminente comme future membre du staff technique de la sélection américaine. Ceci, pour dire que les dirigeants et coachs intelligents savent gérer avec sagesse et tact l’osmose entre l’expérience et la relève, mais surtout la sortie et l’adieu des championnes. Astou Ndiaye est une des rares lionnes, sinon l’unique, a avoir disputé la WNBA et des championnats professionnels aussi compétitifs que ceux d’Italie, France et Brésil. Il n’y avait aucun critère technique, tactique ou émotionnel valable pour ne pas la sélectionner. Ce fut une méchanceté gratuite contre la championne et une violence contre le Sénégal, qu’Hamchatou Maïga s’est empressée de nous signaler avec efficacité, classe et élégance !! On a perdu de vue l’intérêt majeur du Sénégal, que représentait la qualification pour Beijing 2008, au moment de constituer le groupe devant disputer le tournoi de Dakar. Entre le coaching et le clanisme, le deuxième a été préféré. Après la bourde et la gueule de bois de la finale, on reçoit cet aveu déguisé du sélectionneur « il y a quelque part ou j’ai failli », suivi de la phrase de trop « je suis entrain de voir à quel niveau » ! Dommage qu’il cherche encore la grande faille, que tout le Sénégal a vu : manque d’expérience et de leadership sur le parquet. Le tournoi qui devait être le jubilé international d’Astou Ndiaye, nous a néanmoins confirmé un bon groupe et révélé des valeurs sures, pour la suite, avec Aya Traoré et Balayara Ndiaye.
Légitimité de nos anciens internationaux professionnels
Mathieu Faye, Pape Moussa Touré et Fatou Kiné Ndiaye ne sont pas des figures ordinaires de notre sport national. Ils méritent les révérences similaires à celles faites, toute proportion gardée, à un Dr J, Pat Ewing, Cheryl Miller entre autres dans les parquets américains. Rendre hommage et témoigner de la reconnaissance aux anciennes gloires est un signe de maturité d’une communauté sportive. Imaginer une célébration de la fête de l’indépendance sans les anciens combattants ! Quand des sportifs de cette trempe, qui ont marqué l’histoire du sport au Sénégal, se prononcent dans leur domaine, on devrait les écouter avec respect! Le débat n’est pas ici de se demander si tel ou tel a fait ses preuves comme entraîneur. Ils sont dispensés de ce pré requis par leur background. Qui ose contester l’avis de Muhammad Ali sur un match de boxe sous prétexte qu’il n’a jamais coaché un boxeur ? Pape Moussa et Fatou Kiné ont, en plus, révélé une autre facette de leur talent durant le tournoi avec des analyses et commentaires de très haut niveau. Pareille intelligence et expertise ne peuvent être snobés ou délaissés dans un pays qui manque dangereusement de formateurs pour le sport d’élite. Et à ce stade, participer éventuellement à un Mondial ne constitue pas une référence. Maîtriser le haut niveau s’est l’avoir vécu dans le parquet et les vestiaires comme joueur d’abord, ayant reçu des orientations tactiques et techniques de coachs de haut niveau, éduqués sur les soins de préparation physique, mental et diététique d’athlètes d’élite, etc. C’est de cette expérience vécue que l’on forme le mental, le discours et la psychologie nécessaires pour diriger une équipe compétitive. Aujourd’hui, seul l’Angola est familiarisé à cet environnement du fait de ses multiples participations aux Mondiaux et Jeux Olympiques. Nos professionnels expatriés nous permettent un raccourci sur ce plan.
Le crépuscule des Fédérations d’amateurs
Les trois Fédérations (Athlétisme, Basket-ball et Football) les plus importantes sont secouées par un vent de révolte et une crise qui oppose les joueurs et les dirigeants.
Les Lions du foot ont récemment boudé un match programmé … deux jours avant en France, alors qu’ils étaient convoqués à Dakar. Ils ont effectué le voyage de Dakar pour envoyer un signal très fort. Puis c’est un entraînement boudé avant le match contre le Burkina Faso.
Dans l’Athlétisme, on assiste tristement à un bras de fer entre Amy Mbacké Thiam et les dirigeants, à huit mois de Beijing 2008. Pas loin d’elle, Ndiss Kaba développe sa carrière tout seul sur le plan international. Et c’est le lieu de regretter le hara kiri de la Fédération sénégalaise d’athlétisme en privant le Sénégal d’une probable participation à la finale du 400 m dames à Beijing 2008 avec cette « suspension » d’Amy Mbacké. A l’ère du marketing des nations, combien coûte une insertion de 15 secondes, en mondovision, du nom d’un pays sur le maillot de l’athlète ? A chaque participation à une finale mondiale de 400m dames, Amy Mbacké fait la promotion gratuite du Label Sénégal qu’elle présente ainsi, par la télévision, à des foyers européens, américains, de Birmanie, de Gaza, etc.
Au Basket, Desagana Diop et Boniface Ndong sont bannis de l’équipe nationale pour désertion, coupables de n’avoir pas donné suite à « l’appel des couleurs nationales ».
En vérité, ces multiples conflits traduisent un divorce profond et irréversible entre un Sénégal de plus en plus professionnel, incarné par des sportifs qui vivent et respire le haut niveau, avec son organisation, sa rigueur, ses énormes ressources financières et techniques, ses compétences managériales appliquées au quotidien, et un Sénégal amateur d’improvisation et incertitudes que nous présente nos Fédérations locales. La révolte des athlètes se fera de plus en plus forte et organisée, si le modèle de gestion et le profil des dirigeants ne changent pas pour proposer un environnement de performance qu’ils vivent au quotidien, ailleurs. L’issue de cette opposition de style est prévisible à court ou moyen terme en faveur des professionnels. Ils sont de plus en plus nombreux, ils ont le bagage technique comme joueurs, ils seront solidaires, ils ont le networking et surtout la puissance financière. Pour exemple, dix Lions professionnels du football avec une cotisation de cinq millions chacun (primes de deux matchs) se retrouveraient avec un budget de cinquante millions de FCFA pour mener campagne, gagner des élections et imposer leur bureau fédéral légalement élu. Il ne leurs manquait qu’une chose, acquise maintenant, la volonté de s’organiser ensemble pour bouter l’amateurisme hors des Fédérations locales. A ces dernières, il appartiendra de s’allier à la volonté des professionnels et se mettre à niveau ou être emporté par la furia ! Les nations ont stratégiquement besoin, de nos jours, de porte étendards que sont les sportifs de haut niveau. Ainsi des All Blacks de Nouvelle Zélande, des Kenenisa Bekele, Mutola, El Guerrouj, Pelé et la Seleção, la Dream Team américaine, etc. Bien entendu, il y a toute une logique sportive, économique, politique et une industrie qui profite aux pays, derrière cette machine sportive.
Reconstruire un basket conquérant
Après deux ans de cafouillage et échecs, nous devons nous poser courageusement les bonnes questions pour bien engager le chantier de la reconstruction. Quelle est la politique sportive ? Quels sont les objectifs à court, moyen et long termes ? Comment tirer profit de notre formidable potentiel pour développer et maintenir la compétitivité de notre basket ? Voilà des questions qui s’appliquent à toutes les disciplines et fédérations, dont les dirigeants devraient proposer des réponses concrètes à soumettre au public et aux autorités. Le public ou peuple, c’est selon, est le principal bailleur de fonds du sport sénégalais, à travers le Gouvernement. Sous ce rapport, le meilleur dirigeant de Fédération est celui qui présentera les éléments essentiels suivants :
- un vrai business plan pour mettre en œuvre un programme de développement et gestion d’une discipline à tous les niveaux, mise à jour tous les deux ou trois ans ;
- la définition et publication d’un budget de fonctionnement annuel ;
- la nomination d’un commissaire aux comptes et publication annuelle des états financiers de ladite Fédération ;
- la publication annuelle d’un rapport d’activités pour apprécier les efforts et résultats obtenus.
Rien de sorcier sinon une évidence pour toute organisation soucieuse de sa crédibilité. Ces éléments devraient constituer une exigence du CNOSS et du Ministère de tutelle, pour conditionner la mise à disposition des subventions annuelles et faciliter le contrôle nécessaire de la bonne gestion des Fédérations.
La volonté des anciens professionnels de prendre en charge le basket, avec la légitimité que leur confère leurs parcours et le naufrage actuel, est salutaire pour imprimer une dynamique moderne au management du sport et réconcilier le Sénégal avec ses porte-étendards et le haut niveau. Les villes universitaires que sont Saint Louis, Thiès, Ziguinchor, Dakar, en plus de Kaolack offrent une géographie et un vivrier intéressant pour amorcer une décentralisation et évolution semi professionnelle d’un championnat national. Nous n’avons pas de doute qu’une fois légitimé dans un Comité de gestion, ses anciens sauront s’entourer des compétences adéquates pour mener à bien cette mission.
Sportivement
Edouard Sumper